Magicien des sons !
Voilà une appellation qui va comme un gant à Ahmad Jamal. Il faisait déjà rêver Miles Davis, qui faute de pouvoir l’engager, demandait à son pianiste de s’en inspirer. « It’s magic », le thème, un standard, qui donne son titre à son dernier album ne peut être plus approprié. La magie habite Ahmad Jamal depuis plus d’un demi-siècle.
Il y a cinquante ans exactement, quasiment jour pour jour, le pianiste de Pittsburgh accédait au succès avec « At the Pershing ». Enregistré en direct au club de Chicago les 16 et 17 janvier 1958, l’album -avec ses tubes « But not for me « et « Poinciana »-restera 107 semaines durant au Top 100 des ventes aux Etats-Unis. Tout l’art de Jamal était déjà là : mariage de sobriété et de richesse, ensemble dessiné, structuré, telle une œuvre architecturale. « L’architecte des sons », comme il est aussi connu, est toujours resté fidèle à cette ligne de conduite.
Avec le temps, « Ahmad le terrible », pour reprendre le titre d’un hommage du batteur Jack DeJohnette, s’aventure de plus en plus profond dans l’océan des sons. Une main fixe le cap et l’autre gambade au gré des émotions. Il utilise tout le clavier des 88 touches à l’instar des maîtres classiques, au premier rang desquels Wladimir Horowitz, qu’il admire. Il bâtit son ouvrage en exploitant tout l’espace, avec des silences qui en disent long. Dans cet exercice, Ahmad Jamal, professionnel depuis l’âge de 11 ans, alterne figures imposées et figures libres.
Il mène son groupe, ou comme il l’appelle, son « petit grand ensemble », avec cette même rigueur souple. Le « maître » veille au respect de l’architecture de l’ensemble mais accepte que l’on « change les meubles de place ». La complicité est au rendez-vous avec ses partenaires habituels, le batteur Idris Muhammad-délicat et percutant- et tout en rondeur, le bassiste James Cammack, depuis 25 ans à ses côtés. La prise de risques fait aussi partie de l’univers d’Ahmad Jamal. « Chaque jour, j’apprends quelque chose de nouveau au piano. Chaque jour, j’ai une dizaine de compositions qui me trottent dans la tête ». De nouveaux titres qui viennent s’ajouter à un répertoire déjà riche de plus de 150 morceaux. De nouveaux interprètes aussi.
Ici dans « It’s magic », son dixième album chez Dreyfus Music, Jamal convie le percussionniste Manolo Badrena, un ancien du mythique groupe « Weather Report » de (Joe) Zawinul-(Wayne) Shorter- (Miroslav) Vitous. Des retrouvailles avec un compagnon de trois albums de 1995-96 (« Live in Paris. 1996 ». « The essence part 1 » . « The essence part 2 » Birdology-Dreyfus Jazz) témoignage d’un concert mémorable à la salle Pleyel. Avec une base rythmique consolidée, le pianiste-compositeur dispose de plus de liberté encore pour partir à la découverte de nouveaux sons. Repousser les barrières de son territoire, tel est le credo permanent de cet éternel jeune homme de 77 ans. Celui qui partagea l’affiche avec Duke Ellington et Billie Holiday dans les années 50 se refuse à toute nostalgie. « Avoir des regrets, ce n’est pas mon genre, c’est un sentiment qui ferme la porte à l’avenir ». Une attitude qui reflète la plénitude d’un artiste créatif et généreux.
Avec « It’s magic », Ahmad Jamal, admirateur fervent de Maurice Ravel, écrit l’un des plus beaux chapitres de ce qu’il dénomme, avec fierté, « la musique classique américaine ».
« Ces trois swinguent et groovent en XXL : la parfaite idée du bonheur. Magistral ! »
Jazzman
« On y entend le meilleur de Jamal, ce qui nous mène forcément très loin. »
Jazz Magazine
1.Dynamo04:06 (Ahmad Jamal)
2.Swahililand03:59 (Ahmad Jamal)
3.Back To The Island05:53 (Ahmad Jamal)
4.It's Magic04:58 (Sammy Cahn- Jule Styne - Sammy Cahn / Jule Styne)
5.Wild Is The Wind / Sing09:11 (Ned Washington - Dimitri Tiomkine / Joe Raposo)
6.The Way The Look Tonight03:17 (Dorthy Fields - Jerome Kern)
7.Arabesque07:24 (Ahmad Jamal)
8.Papillon06:28 (Ahmad Jamal)
9.Fitnah08:33 (Ahmad Jamal)
Ahmad Jamal : piano - Idris Muhammad : batterie - James Cammack : contrebasse - Manolo Badrena : percussions