Sur le bout des doigts…
Biréli Lagrène est un "phénomène de la guitare" (dixit John Mc Laughlin). Révélé au début des années 80, l'enfant prodige a su passer avec brio le cap de la maturité, s'affirmant de jour en jour comme un musicien de plus en plus incontournable dans le monde de la guitare et dans celui du jazz, où il fait désormais figure de référence.
L'histoire commence en Alsace, au sein de la communauté manouche, où Biréli naît en 1966, d'une famille de musiciens. Initié très tôt par son père, puis par son frère, le tout jeune Biréli surprend par sa précocité. Plus d'un, et non des moindres, se retrouveront sous le charme. Ainsi de Matelot Ferré, compagnon de Django Reinhardt, que l'interprétation du jeune prodige impressionnera.
Django, c'est, durant ces années-là, "la grande affaire" de Biréli, qui copie note à note les chorus du maître. "Tout gamin… je remettais les disques sans cesse, jusqu'à ce que j'arrive à le refaire. Par la suite, j'ai compris qu'il valait mieux respecter les grands guitaristes que les imiter." Chez Biréli, la virtuosité ne va en effet jamais sans la fraîcheur de l'inspiration. C'est la grande leçon qu'il retient de Django, qui éclate au long de ses premiers albums. "Routes to Django", tout d'abord, qui sort en 1980, bientôt suivi de "Biréli Swing '81", puis de "Biréli Lagrène 15", trilogie en forme de "manifeste libre", selon l'étymologie même du mot "manouche" ("homme libre"). Aussi bien le jazz, pour Biréli, se confond-il avec cette liberté primordiale, "une liberté qui n'a pas de limites…". "Django m'a aidé à aller voir ce qui se passe ailleurs", précise-t-il.
Si Biréli est d'abord un enfant de Django, si la fluidité d'un Wes Montgomery ou d'un George Benson n'ont pas manqué de le marquer, au passage, de leur empreinte indélébile, c'est surtout vers Jaco Pastorius et Weather Report qu'il se tourne ensuite. A partir de 1986, celui qui s'est déjà frotté à des partenaires de la trempe de Stéphane Grappelli ou de Larry Coryell se lance en effet "à corps perdu" dans l'aventure de la fusion, multipliant les expériences et les rencontres. Hésitant même un moment sur l'instrument à adopter (sous l'influence de Pastorius, Biréli est devenu un redoutable bassiste). C'est finalement la guitare qui le requiert définitivement, pour une période de recherche où il se forge un style éblouissant, tout en manifestant d'exceptionnelles facultés d'adaptation, soutenues par un talent d'improvisateur qui le place parmi les plus grands. On le retrouve donc aux côtés de John Mc Laughlin, de Paco de Lucia, d'Al Di Meola, de Jack Bruce et Ginger Baker, pour une reformation de Cream, auprès de Stanley Clarke, Miroslav Vitous, Lenny White, Mike Stern… sans compter les deux albums live qu'il enregistre avec Pastorius lui-même.
Au détour des années 90, l'album "Acoustic Moments" constitue une belle synthèse de ce parcours, et comme une pause, avant la consécration, que Biréli, musicien-funambule, obtiendra en jouant la carte "classique" des standards, avec un "Live in Marciac" (1994) salué par la critique. Cette entrée du guitariste sur le label Dreyfus Jazz coïncide avec une reconnaissance toujours plus large sur les scènes nationales et internationales. Django d'Or en 1993, Victoires de la Musique en 2001 pour "Front Page", un "power trio" formé avec Dominique Di Piazza et Dennis Chambers qui enregistre pour Universal, Victoires de la Musiques de nouveau en 2002, couronnant le succès et la popularité du "Gipsy Project".
À 35 ans, après s'être "baladé" sur presque tous les fronts de la guitare moderne, après avoir dialogué avec quelques-unes des plus fines lames du jazz hexagonal (Didier Lockwood, Richard Galliano, Sylvain Luc…), c'est en risquant l'audace d'un pari incroyable, entre virtuosité et profondeur, que Biréli Lagrène, sauvage et subtil, vif comme l'éclair, décide de renouer avec la musique de ses origines. "Gipsy Project & Friends", deuxième album gravé par ce quintette de choc, célèbre donc avec bonheur, et avec un naturel désarmant, l'ancrage dans une tradition que Biréli, au sommet de son art, possède sur le bout des doigts.
Toujours dans cette tradition de jazz manouche, Biréli sort l’album « Move » en 2004 qui a la particularité de remplacer le violon par un saxophone. Répertoire saisissant. Swing étourdissant. L’album est magistral. Le succès grandissant, Biréli Lagrène tourne dans les plus grands festivals avec son Gipsy Project jusqu’à son triomphe à l’Olympia en 2005.
En octobre 2006, pour fêter les 40 ans de ce musicien hors-norme, Dreyfus Jazz édite un 2CD exceptionnel : Biréli Lagrène avec le WDR Big Band et Biréli Lagrène solo.
En avril 2007, sort enfin le nouvel album studio de Biréli Lagrène. À la formation de l’album « Move » (guitares, contrebasse, saxophone), s’ajoute le batteur éblouissant : André Ceccarelli.
Pour le plus grand plaisir de tous, Biréli Lagrène s’associe une nouvelle fois à la guitare de Sylvain Luc pour un nouvel album studio en duo à paraître au dernier trimestre 2007.