Commencer sa carrière internationale vers l'âge de douze ans, en endossant d'entrée la réputation d'être le Mozart du jazz manouche ce n'est sûrement pas facile. Être qualifié de nouveau Django, c'est très lourd, d'autres ne s'en seraient pas remis. Avec sa prodigieuse technique, Biréli Lagrène aurait pu se cantonner sa vie durant à diffuser le message du génie manouche ; d’autres l’ont fait et personne n’y a trouvé à redire. Mais chez Biréli, l'évasion est une seconde nature : enfant du voyage, fils du vent, il a su échapper à un rôle convenu d’avance. Le répertoire de Django Reinhardt, Biréli a su le servir avec une fraîcheur indiscutable, se l'accaparer avec légèreté ou s'en écarter avec la même aisance. Au fil des ans, le petit Biréli est passé au grand Lagrène – quelle carrure, en effet ! –, sans perdre de son sourire ni de sa spontanéité. Plutôt que de rester seul sur le devant de la scène, il a toujours su multiplier les rencontres, rechercher la compagnie d'autres guitar heroes (John McLaughlin, Al Di Meola, Paco de Lucia, etc…). Mais, là encore, le piège aurait pu se refermer sur lui : la musique n'est pas une compétition et il le sait bien. Guitariste, il est toujours à l'écoute des autres instruments.
L'art de Lagrène est passé au XXIe siècle avec un parfait naturel. Il a su unir la beauté fiévreuse d'une tradition, celle que symbolisent aujourd'hui ses deux fidèles accompagnateurs (le guitariste Hono Winterstein et le contrebassiste Diego Imbert), avec l'apport plutôt inattendu, en tout cas assez rare, d'un saxophone (Franck Wolf) dans un tel univers.
Dès les premières mesures du premier thème, Un Certain Je Ne Sais Quoi, le ton est donné : allègre avec un soupçon de blues. Bientôt l'alliage sonore se fait mystérieux et mélancolique (Mélodie au Crépuscule). On l'aura compris, ce disque est conçu comme un véritable programme, il nous entraîne avec un allant communicatif (le fringuant Hungaria) et sollicite plus ou moins directement l'univers de Django, à travers ses compositions : Mélodie au Crépuscule, Hungaria, déjà citées, mais aussi Troublant Boléro, à la beauté tranquille, l'inévitable Nuages, ici enveloppé du mystère des volutes du saxophone ; Danse Norvégienne, transformée en une chorégraphie à la lenteur hypnotique, voire Clair De Lune de Joseph Kosma que Django enregistra jadis. On trouve encore dans ce disque deux standards du jazz, le swinguant Cherokee et This Can't Be Love, ainsi que Move, classique du BeBop, délicatement exposé à l'unisson. Ajoutons, bien entendu, des compositions du cru. Deux de la plume de Biréli : Place du Tertre, terriblement West Coast (entre Neal Hefti et Zoot Sims) et Jadis, énigmatique et onirique à souhait. Les autres compositions appartiennent aux partenaires de Lagrène. Un Certain Je Ne Sais Quoi de Diego Imbert, le lestérien Victor de Franck Wolf et l'entraînant Mimosa de Hono Winterstein.
Au bout du compte, à la fin du voyage, on aura traversé les paysages musicaux avec le sentiment de n'avoir jamais entendu une note de trop, aucun effet de manche, rien d'autre qu'une histoire en quatorze épisodes qui parlent au cœur. Une histoire pleine de rêves et de nostalgie, de tendresse et de délicatesse, sans aucun bruit ni fureur. Sans jamais sacrifier à la mode, Biréli sait toujours nous réserver des surprises et la rencontre avec le saxophone de Franck Wolf n'est pas la moindre. Elle renvoie à de trop rares expériences intimistes dans le jazz, où l'association guitare-saxophone prit une dimension particulièrement envoûtante.
Biréli Lagrène a su garder à l'univers de Django toute sa fraîcheur poétique et il a également retenu de l'univers du maître la leçon du risque, de l'aventure, de l'expérimentation, sans jamais oublier l'amour du son.
« Une totale réussite. »
Télérama
« Ce Move est extraordinaire. »
Le Monde
« Un nouvel album d’une musicalité exemplaire. »
Le Figaro
1.Un Certain Je Ne Sais Quoi03:23 (Diego Imbert)
2.Mélodie au Crépuscule02:41 (Django Reinhardt)
3.Hungaria02:51 (Django Reinhardt/Stéphane Grappelli)
4.Clair de Lune04:39 (Joseph Kosma - Etienne Beaurouge)
5.Place du Tertre04:53 (Biréli Lagrène)
6.Troublant Boléro04:31 (Django Reinhardt)
7.Move02:50 (Paul Walsh/Denzil Best)
8.Nuages04:56 (Jacques Larue - Django Reinhardt)
10.Danse Norvégienne05:20 (Django Reinhardt)
11.This Can't Be Love04:08 (Lorenz Hart - Richard Rodgers)
12.Victor03:14 (Franck Wolf)
13.Mimosa03:18 (Dorado Schmitt/Hono Winterstein)
14.Jadis02:43 (Biréli Lagrène)
Biréli Lagrène : guitares - Hono Winterstein : guitares - Franck Wolf : saxophone baryton, ténor, soprano - Diego Imbert : contrebasse