Écoutez l’histoire de deux musiciens :
Cette aventure est liée à celle du jazz français de ces quarante dernières années. Avec ses contes, ses anecdotes et ses rêves ; transmis de génération en génération de musiciens. Elle est généreuse et passionnante, faite de musique populaire, de variétés, de bals et de festivals, d’Américains de passage ou en résidence. Et pourtant sentimentale et tellement européenne.
Eddy Louiss est né dans le triste Paris de la guerre, en 1941, son père Pierre est trompettiste et chef d’orchestre. Le petit Eddy a donc été confronté très jeune à la musique vivante. Il fréquente « le Chat qui Pêche » ou le « Tabou » et mène de front une double carrière entre la variété (avec entre autres Claude Nougaro dont il sera le directeur musical) et le jazz, multipliant les expériences en tant que chef d'orchestre ou accompagnateur. Il joue avec Daniel Humair, Jean-Luc Ponty, René Thomas, Jimmy Gourley, Dizzy Gillespie, Johnny Griffin, ou encore Stan Getz qui le considérait comme un génie.
Même si neuf années séparent Eddy Louiss de Richard Galliano, ce dernier a su se forger une expérience tout aussi riche en rencontres. À douze ans, c’est déjà un jeune prodige de l’accordéon. À 23 ans, il devient le directeur musical de Claude Nougaro (il le restera pendant 7 ans !). Lorsqu'il plonge dans le jazz, c'est en compagnie du trompettiste Chet Baker. Avec Philip Catherine, Pierre Michelot et Aldo Romano il imagine un « New Musette », à l’instar du « New Tango » de son mentor Astor Piazzolla, musique française imprégnée d'un jazz swinguant dans la grande tradition de la musique française qui s’enflamme au contact du jazz d'Outre-Atlantique. Richard Galliano à su tracer une nouvelle voie sur laquelle on sentait aussi surfer son complice Eddy Louis. Il aurait donc été curieux qu’ils ne se rencontrent pas.
« Face to Face » ne porte pas seulement un titre symbolique, c’est le fruit d'un échange, d'un dialogue. Tout unit ces deux musiciens : l'expérience de la variété qui leur facilite l’accès à un exceptionnel sens de la mélodie ; le jazz, qui nourrit leurs improvisations d'une matière sans cesse en mouvement ; et enfin, leur amour commun des musiques typiques.
Dès l'ouverture, le ton est donné : « Sang mêlé » , véritable manifeste esthétique, oscille entre bossa, grande variété et mélodie sentimentale. « Face to face » part dans toutes les directions sans jamais quitter la route maîtresse. C'est toujours la même nostalgie qui dans « I Remember Clifford » explose, exprimant la gravité du thème de Benny Golson composé en hommage au prince foudroyé Clifford Brown. Une rencontre qui fut un pari pas si facile à réussir. Mais le répertoire acquis, la musique n’avait plus qu’à dire. Par exemple l'amour porté aux accents du Brésil. « Berimbau », traditionnel si souvent chanté par Nougaro, une nouvelle fois interprété, mélodie ou tout semble encore à énoncer.
Nos deux improvisateurs ont l'art de remettre sans cesse sur l'établi le travail accompli. Leur complicité est telle que l'on en vient à ne plus savoir qui accompagne qui. Belle réussite que de fasciner l'auditeur au point qu'il ne se pose plus la question de savoir qui joue, qui accompagne, qui improvise.
Dans un discours ininterrompu, Richard Galliano tient le même langage qu'Eddy Louiss. La gravité de l'orgue se mêle à la mélopée de l'accordéon. Enfin, « Enlacés », composition d'Eddy Louiss, semble aussi être le sous-titre, suggéré à demi-mot de ce nouvel opus de deux maîtres de cette nouvelle musique française.
1.Sang Mêlé05:05 (Eddy Louiss)
2.Face to Face04:26 (Richard Galliano/Michel Portal)
3.Tribute to Joe Diorio04:21 (Eddy Louiss)
4.Beija-Flor04:40 (Nelson Cavaquinho/Augusto Tomas/Noel Silva)
5.I Remember Clifford06:21 (Benny Golson)
6.Enlaces05:17 (Eddy Louiss)
7.Laurita02:59 (Richard Galliano)
8.Berimbau02:18 (Vinicius de Moraes/Baden Powell)
10.Amandine04:30 (Richard Galliano)
11.Framboise04:22 (Richard Galliano)
12.Sous le ciel de Paris05:06 (jean Drejac - Hubert Giraud)
13.Azul Tango04:34 (Richard Galliano)
14.Avec le temps02:43 (Leo Ferré)
Richard Galliano : accordéon - Eddy Louiss : orgue hammond